Souffrance au travail : Interviews

Chroniques de la souffrance ordinaire : Une série d’interviews réalisées par Nataline Alessandrini, directrice de la Ligue portant sur les problèmes de santé mentale dans le monde du travail.

Metro Boulot BOBO
Nous exprimons nos vifs remerciements
à Jacques Rouxel – créateur des Shadoks – qui nous a offert ce croquis.

« ça ne va pas en ce moment, docteur ! » C’est le pain quotidien des médecins de médecine générale.

Dans LE MONDE du 10 septembre 2008, il était indiqué que les Français sont les premiers consommateurs en Europe, de psychotropes, sominifères, anxiolytiques, antidépresseurs et que ces médicaments sont prescrits par les généralistes, parmi lesquels 28% seulement connaissent l’existence des guides de pratique clinique de la dépression. Une enquête lancée par le département universitaire de médecine générale a été présentée au Congrès international d’épidémiologie auprès de 2000 médecins de quatre régions de France. Un Français sur quatre a consommé un psychotrope dans les douze derniers mois et trop de prescriptions se révèlent inadéquates et coûtent une fortune à l’Assurance-maladie.

En février 2007, paraissait dans le journal LE MONDE, une enquête sur le suicide. La France se situe dans la partie haute du tableau aux côtés de la Finlande, de l’Autriche et de la Belgique.

En avril 2003, une enquête statistique de la DRESS a estimé à 1,2 millions personnes suivis régulièrement pour troubles psychiques ou mentaux.

Avertissement

Les propos tenus par les personnes interviewées ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité de la LFSM, de plus certaines d’entre elles – tenues par le devoir de réserve – n’ont accepté de s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.
Que tous en soient remerciés.

Et pourtant ils souffrent……….. !

Au pays de la douceur de vivre, du bon vin, du foie gras et du camembert, les Français sont aussi

- champions du monde de la consommation de tranquillisants, somnifères et autres psychotropes ;

- ex aequo avec le Royaume Uni pour les dépression majeures (enquête menée en 1995 par le Depression Patient Reseach in European Society) , Paris est médaille de bronze pour l’alcoolisme (enquête effectuée par l’OMS dans 14 pays en 1995),

- recordmen d’Europe des accidents de la route,

- quatrième rang mondial pour les suicides (par an 12000 et 150.000 tentatives).

- Par contre, ils sont champions d’Europe des horaires de travail « allégés » et, la RTT aidant et les loisirs étant fort coûteux……du nombre de bébés fabriqués.

En 1995 la psychiatrie à elle seule représentait entre 13 et 15% des dépenses de santé (enquête menée par le CREDES) et est en tête des pathologies hospitalières (idem)

C’est donc un gouffre financier qui était estimé à 84 milliards de francs en 1995 ! auquel s’ajoutent les coûts directs et indirects de la souffrance psychique “ simple “, plus ou moins grave, plus ou moins invalidante et ne donnant pas lieu à une consultation chez un médecin psychiatre, donc conséquent non quantifiable en terme de remboursement de sécurité sociale.

Nous écrivions ceci en 1998….en utilisant des statistiques de 1995 ; bien entendu, en 2010 ces statistiques sont quelque peu obsolètes mais leur rappel est toutefois intéressant.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Selon LA LETTRE DE LA PSYCHIATRIE FRANCAISE (février 2007) la situation de la psychiatrie n’a cessé de se détériorer.

« Alors que la demande de soins psychiatriques augmente ces dernières années (augmentation de la population et reconnaissance des troubles psychiques par l’ensemble des médecins, notamment généraliste, déstigmatisation progressive de la folie), les délais d’attente pour une première consultation est de deux à trois mois (plus long encore en pédo psychiatrie !). Pour de multiples raisons dont la désafection des jeunes médecins à s’orienter vers cette spécialité, d’ici 15 ans le nombre de psychiatres aura diminué de 40% ! Ils sont actuellement 5.500 à prendre en charge plus de 2 millions de patients.

Or, on voit de plus en plus de problèmes psychiatriques transférés vers le secteur médico-social.

Exemple : les prisons sont pleines de malades qui devraient être soignés et, à l’inverse, on a trop tendance à médicaliser ou à psychiatriser des problèmes qui ne sont dus qu’au dysfonctionnement de notre société. Le chômage en est le meilleur exemple.

Bref la santé mentale des Français n’est pas bonne.
S’ils souffrent du non emploi, d’autres aussi souffrent de leurs conditions de travail. Nous avons voulu savoir pourquoi ?

 

Sujet plus tabou que la sexualité et chasse gardée des psy, la santé mentale n’a pas le même sens selon que l’on soit psychologue, psychanalyste ou psychiatre.

La plus grande confusion règne quand il s’agit d’en donner une définition et santé-mentale devient peu à peu un syntagme…et un fourre-tout.

Mais les autres, les non psy, qu’en pensent-ils ?

Nous avons rencontré, policier, banquier, secrétaire,, journaliste, juge, avocat, gardien de prison, gardien d’immeuble, caissière, jeunes des “banlieues “, ………et demandé à des médecins non psy, comment leurs patients expriment leur souffrance psychique et quelle réponse ils obtiennent d’eux.

Les Français souffrent au travail et eux aussi ont leur idée sur la santé-mentale.