L’Esprit malade. Cerveaux, folies, individus
Castel P.-H., L’Esprit malade : Cerveaux, folies, individus, Paris, Les Éditions d’Ithaque, 2009, 352 p. (Collection Philosophie, anthropologie, psychologie, sous la direction de P.-H. Castel).
Le formidable développement des neurosciences depuis les années 1980 présente un paradoxe, dont l’état actuel de la psychiatrie est particulièrement révélateur. Bien qu’on en ait jamais su autant sur le fonctionnement du cerveau, les avancées accomplies dans ce domaine n’ont permis d’éradiquer aucune des grandes pathologies mentales connues depuis deux siècles. En revanche, le style de rationalité exigible pour les décrire, les étudier et évaluer leur traitement s’est profondément transformé. La plupart des concepts psychologiques traditionnels ont été ou sont en cours de naturalisation : c’est en termes de neurobiologie et de biostatistiques que sont désormais jugés les états mentaux. L’esprit, c’est ce qui s’explique à partir du cerveau.
En abordant ici les modèles animaux de la folie, les hystéries modernes, la dépression, l’énigme des « fous criminels » ou celle de la conscience schizophrénique, l’auteur poursuit en réalité trois tâches. Il présente d’abord, sous leur jour le plus incisif, les mutations actuelles de quelques théories psychiatriques marquées par la domination conjointe des paradigmes neuroscientifique et évolutionniste. Il vise, ensuite, à dégager les présuppositions philosophiques ultimes de la naturalisation de la folie et des états psychiques morbides qui inspirent ces théories. Il interroge, enfin, les conditions anthropologiques du succès de l’« esprit-cerveau » en psychiatrie.
L’enjeu de ces essais, qui sont animés d’une intention constamment polémique, est de défendre une perspective holiste sur l’esprit, qui en dévoile la nature essentiellement sociale (l’esprit des représentations collectives, des règles sociales, des institutions, des formes de vie, etc.) sans pour autant épouser le relativisme historique. Il s’agit de mobiliser, outre des concepts, des objets concrets et exemplaires afin de montrer que le constructivisme social, largement inspiré par Michel Foucault, ne constitue pas la seule alternative à la naturalisation de l’esprit.
Pierre-Henri Castel est directeur de recherche au CNRS (CERMES3/Cesames). Ses travaux portent sur l’histoire et l’épistémologie des sciences psychologiques et médicales des neurosciences à la psychanalyse, et sur les questions de philosophie morale et d’anthropologie sociale qui constituent le contexte déterminant.
Il dirige la collection Philosophie, anthropologie, psychologie aux Éditions d’Ithaque.
Ouvrage publié avec le concours du CNRS.