La Fin des coupables

 Castel P.-H., La Fin des coupables, suivi de Le Cas Paramord vol. II : Obsessions et contrainte intérieure, de la psychanalyse aux neurosciences, Paris, Éditions Ithaque, 560 p. ISBN : 978-2-916120-32-4

Pourquoi implante-t-on aujourd’hui de minuscules électrodes dans le cerveau de certains « obsessionnels-compulsifs » ? Qu’est-il arrivé à la « névrose obsessionnelle » inventée par Freud ? Où donc est passé le vieux « surmoi » ? Questions étranges, parce qu’elles semblent monter en épingle un épisode infime de l’histoire de la psychiatrie, loin des graves soucis des philosophes pour la folie. Au contraire : elles se tiennent au ras des souffrances secrètes d’un nombre immense de gens normaux, mais angoissés, portés à douter de tout, l’esprit traversé par des obsessions bizarres, et dont la vie est gâchée par de petits rituels dérisoires.
La réponse se déploie entre deux récits de cure psychanalytique, livrés avec une exceptionnelle richesse de détails : celle d’un patient de Freud, « l’Homme aux rats », en 1907, à Vienne, et celle d’un de nos contemporains, « Paramord ». On y découvre combien devoir assumer subjectivement certains actes (sexuels mais pas seulement) peut devenir un supplice horrible. On y découvre aussi combien la contrainte à agir et à être soi-même aura été une pierre de touche de l’identité de l’individu dans la modernité. Car, de Freud à l’âge de l’esprit-cerveau, le sens de l’intériorité morale et psychique a profondément changé. Et ce que nous ne pouvons pas nous empêcher de faire ou de penser, et qui nous obsède, révèle le coût exorbitant de nos idéaux d’« autonomie ».

Sommaire

Avant-dire

I. «  Ces rats qui nous sortent des yeux comme si nous habitions des tombeaux…  »
1. Freud «  obsesseur  »
2. Doutes de Lanzer, premier vacillement de Freud
3. L’interprétation des vœux de mort de Lanzer
4. L’Œdipe et les embarras suprêmes de l’agir
5. L’Œdipe à double tranchant  : Freud vacille pour la seconde fois
6. L’aveu du prénom secret et la grande orgie anale
7. Chute du Freud «  cruel  »  : la faute du père Lanzer
8. Les radanlanusses

II. Freud et les embarras de l’agir  : du surmoi au malaise d’être «  civilisé  »
1. De la névrose obsessionnelle à l’auto-accusation mélancolique  : Allemagne, Japon, Océanie et retour
2. Le surmoi comme psychologisation de l’autocontrainte  : névrose obsessionnelle, caractère anal et personnalité obsessionnelle
3. De la «  compulsion de répétition  » à la «  pulsion de mort  »  : ultimes remaniements de la doctrine de la névrose obsessionnelle
4. Névrose individuelle et «  malaise dans la culture  »  : la naturalisation freudienne du processus de civilisation de l’esprit

III. Intermède  : Pessoa, Kafka, Italo Svevo et Canetti
1. Fernando Pessoa, «  passant intégral  »
2. Franz Kafka, nebude toho nikdy
3. La psychanalyse en fumée  : Italo Svevo
4. Perdre la tête ou perdre le monde  : les dilemmes de Peter Kien

IV. La contrainte intérieure et la récusation politique de l’individualisme  : totalitarisme et démocratie au prisme de la psychanalyse (1930-1960)
1. Melanie Klein et la radicalisation expressionniste du surmoi
2. Ernst Jünger, l’individu nouveau et la «  mobilisation totale  »
3. Transition  : la «  banalité du Mal  » et l’inversion du sens de la conscience morale
4. L’autocontrainte contre la démocratie  : Adorno et la «  personnalité autoritaire  »
5. De l’Ancien au Nouveau Monde

V. Le déclin de l’obsessionnel à l’âge de l’individualisme démocratique  : essor des thérapies comportementales et remise en cause de la psychanalyse (1960-1980)
1. Le behaviour, objet de modification, puis de thérapie  : Eysenck contre Skinner
2. «  Tous les gens sont capables de courage. Y compris ceux qui ont le plus peur  »  : les premières thérapies comportementales des obsessions-compulsions
3. Deux visages d’Orval H. Mowrer  : Learning Theory et sensibilité existentialiste
4. Amsterdam 1965, le crépuscule des obsessions freudiennes
5. Lacan, l’hétéronomie-condition et l’existence obsessionnelle

VI. Cognitions coupables, cerveaux fautifs  : les troubles obsessionnels-compulsifs à l’âge de l’autonomie-condition (1980-2010)
1. Inventaire avant liquidation  : obsessions et compulsions à l’époque des DSM
2. «  Le mariage, le canon sur la tempe, des thérapeutes
cognitivo-comportementalistes aux chercheurs orientés vers la cognition  »
3. Des tics aux TOC  : la grande intégration naturaliste de l’agir perturbé
4. La faute au cerveau
5. Conclusion générale  : autonomie-aspiration et autonomie-condition, deux rapports au Mal et à la contrainte intérieure

Suivi de Le Cas Paramord

Pierre-Henri Castel est directeur de recherches au CNRS (Cermes3, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité) et psychanalyste. Ses travaux portent sur l’histoire et l’épistémologie de la médecine mentale, la philosophie de l’esprit et l’anthropologie sociale. Il dirige la Collection « Philosophie, anthropologie, psychologie » aux Éditions d’Ithaque.